18 décembre : Journée internationale des migrant·e·s / 17h Place Pasteur


Nos organisations appellent à un sursaut citoyen et politique
Personne n’est illégal !No one is illegal !ال يوجد انسان غريرشيع


Cette société-là, on n’en veut pas !
Dans quelle société voulons-nous vivre ?
Nous devons défendre nos libertés, l’égalité et la solidarité !
Gérald Darmanin l’a dit : sa Loi immigration est « la plus ferme avec les moyens les plus durs de ces trente dernières années ».
Les modifications votées au Sénat, dont la suppression de l’AME*, durcissent encore le projet initial.
Cette loi est fondée sur la volonté de rendre « la vie impossible » aux immigré·e·s, étrangères et étrangers. Elle porte l’idée, fondamentalement raciste, que les immigré·e·s, seraient potentiellement des dangers et des profiteurs et profiteuses du système de protection sociale. Or, Ce sont les politiques racistes et anti migratoires qui nous mettent en danger. Pas l’immigration. Nous lerépétons avec les collectifs de Sans Papiers.
Ce sont les inégalités qui créent du dumping social. Pas l’immigration. Nous le répétons avec les syndicats.
Ce sont les politiques publiques du logement cher qui alimentent le sans-abrisme et la crise du logement. Pas l’immigration. Nous le répétons avec les associations du droit au logement. C’est l’absence de soins qui favorisera les prochaines épidémies. Pas l’immigration. Nous le répétons avec toutes et tous les professionnels de la santé.
Ce sont toutes les attaques contre les libertés, dont la liberté de circuler, qui développent une société en
tension et généralisent la peur. Pas l’immigration. Nous le répétons avec les associations.
Le 18 décembre, à l’occasion de la Journée internationale des migrant·e·s nous manifesterons dans
toutes les villes du pays,

  • pour empêcher cette loi, parce que nous refusons une société du racisme, des prisons, des barbelés, des
    centres de rétention et de la peur.
  • pour la régularisation des Sans-Papiers. Pour une société de la liberté, l’égalité des droits, la justice
    sociale et la solidarité.
  • MARCHONS CONTRE LA LOI DARMANIN à Besançon, le 18 décembre 2023 à 17h, place Pasteur,
    apporter lampions et lumières
  • Premiers signataires de l ‘appel :
    ACCMMA, A Gauche Citoyens !, Alternatiba-Besançon, Asso.Cairn, ATTAC-Besançon, CCFD-Terre Solidaire du Doubs, CDDLE, CFDT Retraités, CGT ADDSEA, CGT AHSFC, CGT Retraités Besançon, Cimade, Ligue des Droits de l’Homme, L.V.N. observer-partager-agir, MRAP, MRJC du Doubs, Mouvement de la Paix, Peuples solidaires Doubs, RéCiDev, Solidaire 25, SolMiRé, SUD PTT, UD CGT du Doubs, Welcome-Franois-Serre EELV-Grand Besançon, Génération. S, LFI, LO, NPA-Besançon, PCF du Doubs

Répression policière pour les militant·e·s et 17 jeunes toujours à la rue( 01/12/23)

Ce matin un groupe d’une vingtaine de personnes bénévoles de Solmiré et soutiens se sont rendu·e·s dans le hall du Service du d’Évaluation des Mineur·e·s Non Accompagné·e·s du Département du Doubs pour demander à rencontrer les autorités concernées avec plusieurs revendications.

La Police est intervenue. Les personnes ont immédiatement accepté de quitter le hall d’entrée, mais les forces de l’ordre ont tout de même exigé de contrôler les identités de chaque personne (sous ordre des autorités). La dizaine de militant·e·s qui ont refusé de présenter une pièce d’identité ont été embarqué au poste de Police à grand renfort de sirènes et de gyrophares. Iels ont été relâché après avoir accepté de donner une pièce d’identité.

Solmiré dénonce cette mesure de répression excessive lors d’une action pacifiste visant à faire reconnaître la situation et les droits d’enfants à la rue.
 Qu’en est-il de l’illégalité de la non action des institutions concernées mettant en danger la vie de jeunes mineur·e·s ?

Explication des revendications du collectif :

– La mise à l’abri effective et immédiate des jeunes demandant leur protection en tant que mineur·e·s. 
 La mise à l’abri de ces jeunes est soumise à la condition d’une prise d’empreintes par la Préfecture. Or si les jeunes arrivent le vendredi, iels sont laissé·e·s à la rue jusqu’au lundi en attendant leur passage à la Préfecture. Nous n’avons pas eu de réponse sur ce point.

– La délivrance rapide des bons d’hébergements permettant aux jeunes non reconnu·e·s mineur·e·s par le Département d’être hébergé·e·s par le 115 > (service géré par l’Etat). Un nouveau dispositif est en train d’être mis en place par la Préfecture en lien avec le Département pour que les jeunes évalué·e·s non mineur·e·s par le Département puisse être hébergé·e·s via le 115. Aujourd’hui ce dispositif n’est pas encore réellement effectif. 17 jeunes sont actuellement à la rue et soutenu·e·s par Solmiré.

– La garantie que les jeunes hébergé·e·s dans le cadre de ce dispositif soient reconnu·e·s comme en recours juridique pour faire reconnaître leur minorité et non pas comme des majeur·e·s et qu’iels ne reçoivent pas d’Obligation de Quitter le Territoire Français. Nous avons envoyé un mail à la Préfecture sur ce point et nous n’avons pas de réponse à l’heure actuelle.


Pour l’instant 37 jeunes sont toujours hébergé·e·s sur décision de la mairie dans le bâtiment situé à Planoise appartenant au Grand Besançon.


Solidairement, Le collectif

Journée internationale des droits de l’enfant et réaction aux propos lors de l’Assemblée départementale du 23/10/23

Journée internationale des Droits de l’enfant

Défendre le droit nécessite de défendre les faits

            Lors de l’Assemblée départementale du 23 octobre, les élu.e.s de la majorité (droite) du Département du Doubs ont souhaité justifier leurs pratiques en matière d’accueil et d’accompagnement des mineur.e.s isolé.e.s étranger.e.s. Ces justifications font notamment suite aux différentes alertes pointant les violations des droits de l’enfant opérées par le service du Département procédant à l’évaluation de la minorité de ces jeunes. Ces pratiques ont permis au Département de refuser d’accorder l’accès aux services de Protection de l’Enfance à de nombreux jeunes qui se retrouvent aujourd’hui sans abri, livrés à eux-mêmes dans les rues de Besançon. A ces inquiétudes, les élu.e.s de la majorité ont souhaité réagir avec force en soulignant l’exemplarité de leurs pratiques et leur attachement au respect du Droit.

La politique est bien souvent une affaire de force, mais la force ne parvient pas ici à faire correspondre la réalité des faits avec l’image publique que Madame Bouquin souhaiterait en donner. Un grand nombre de contre-vérités ont été prononcées lors de cette assemblée, tant par les élu.e.s de la majorité que par les responsables des services concernés. Refusant cette « trumpisation » de la vie politique locale, l’association Solmiré souhaite faire dialoguer les déclarations optimistes du Département avec les faits observés sur le terrain.

« L’assemblée départementale tient à rappeler solennellement que le Département joue pleinement son rôle et ne laisse aucun mineur à la rue » 

La solennité de cette déclaration, issue de la motion votée par la majorité, n’ôte en rien son caractère mensonger. Différentes configurations battent en brèche cette assertion :

Cas des enfants victimes d’une erreur d’évaluation par le Département :

            Depuis début 2023, l’association Solmiré a fêté 12 décisions judiciaires  reconnaissant la minorité de jeunes dont le Département du Doubs avait à tort contesté la minorité. Cette décision du Département avait eu comme conséquence pour chacun d’eux une mise à la rue immédiate. Ces décisions judiciaires émanant de la Juge des Enfants ou de la Cour d’appel ont permis d’obliger le Département à les prendre en charge à nouveau au titre de la protection de l’enfance. L’accès à la justice relève pour ces adolescent.e.s d’un véritable parcours du combattant. L’un d’entre eux a dû attendre plus d’un an et demi avant que l’erreur du Département soit reconnue. Il a été confié en octobre 2023 soit 3 jours avant sa majorité…

Durant ces longues périodes de procédures judiciaires, n’en déplaise aux élu.e.s départementaux, ces 12 enfants ont été mis à la rue par le Département, puis laissés sans aucune protection par cette institution. Sans-abris, confrontés à une problématique de survie quotidienne, leur accès effectif à la Justice est presque impossible. Les associations bénévoles n’étant pas en capacité d’accompagner dans leurs démarches tous les jeunes qui le souhaitent, ces 12 jeunes ne sont vraisemblablement qu’une infime partie des enfants mis à la rue par le Département, suite à une évaluation erronée.

Cas des jeunes exerçant leur droit de refus d’enregistrement au fichier AEM :

            Depuis 2018, l’État a procédé à la création d’un fichier biométrique dit d’« Appui à l’Evaluation de la Minorité » (AEM). Ce fichier décrié unanimement par les associations de défense des droits humains collecte différentes informations concernant les jeunes étrangers sollicitant la Protection de l’Enfance.

Le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’État et la CNIL ont limité et encadré l’utilisation de ce fichier.[1] Selon ces autorités, les personnes concernées doivent avoir le droit de refuser leur enregistrement au fichier AEM, ce refus ne doit pas avoir de conséquences concernant leur mise à l’abri par le Département et ne peut à lui seul suffire à contester leur minorité. Par ailleurs, le simple constat qu’un jeune est déjà enregistré au fichier AEM ne peut suffire, lui non plus, à contester la minorité de l’intéressé.

Depuis septembre 2023, le Département du Doubs a changé sa doctrine en matière d’utilisation du fichier AEM. Passant outre les décisions du conseil d’état, et de la CNIL, refusant le cadre fixé par le conseil constitutionnel, le Département rend illégalement obligatoire l’enregistrement au fichier AEM  et refuse de mettre à l’abri les jeunes qui conformément à leurs droits (théoriquement) garantis refuseraient l’enregistrement biométrique de leurs empreintes.

Ces jeunes, potentiellement mineur.e.s puisque n’ayant pas encore subi d’évaluation, sont laissés à la rue par le Département du Doubs.

Cas des mineur.e.s qui arrivent en dehors des heures d’ouverture des services du Département :

            Cette pratique illégale du Département consistant à conditionner la mise à l’abri à la prise d’empreintes comporte d’autres effets pervers mettant en danger les personnes concernées.

Alors que la mission de mise à l’abri des personnes se déclarant mineures isolées doit être mise en œuvre en urgence et sans délai, Madame LIME-VIELLE, élue départementale de la majorité, rappelle lors de l’Assemblée départementale du 23 octobre que « Les personnes qui sont éventuellement arrivées le vendredi soir, comme Madame la Présidente vient de le dire, doivent passer à la Préfecture poser leurs empreintes, donc, en effet, le vendredi soir à 21h, la Préfecture n’est pas ouverte ». A travers cette précision, il faut bien comprendre qu’un.e jeune en danger dont la situation est portée à la connaissance du Département hors des périodes d’ouverture de la Préfecture sera laissé.e à la rue jusqu’à l’ouverture du service préfectoral chargé de la gestion du fichier AEM. Ces jeunes, bénéficiant pourtant d’une présomption de minorité, devront à minima passer une nuit dehors si leur situation est connue en fin d’après-midi. 3 à 4 nuits dehors si leur situation est connue du Département le jeudi soir ou le vendredi…

Le répondeur du numéro d’astreinte du Département invite à transmettre des information concernant des enfants en danger. Lorsqu’un cadre d’astreinte du Département est informé de la situation d’un enfant étranger de 14 ans à la rue un vendredi soir, la réponse consiste à l’invitation à se présenter lundi matin devant les locaux du SEAMNA…

Le fait n’est pas isolé, il se répète bien des soirs et chaque week-end. Il résulte d’une récente directive du Départementale dont l’accès est refusé à l’association Solmiré mais dont la violence des effets reste bien visible.

Cette récente pratique évoquée à demi-mots par Madame LIME-VIELLE est illégale, maltraitante et constitue une preuve supplémentaire du fait que le Département laisse des mineurs à la rue.

« L’Assemblée Départementale réitère son soutien aux équipes d’évaluation et réaffirme avec force que leur action est menée dans le respect de la loi et dans l’application déontologique du guide des bonnes pratiques en matière d’évaluation de la minorité et de l’isolement, tel qu’établi par le Ministère des Solidarités et des familles. »

            Cette affirmation issue de la motion votée par la majorité ne résiste pas à un examen attentif des quelques 40 pages du guide des bonnes pratiques cité. Sans vouloir dresser un inventaire exhaustif et fastidieux des écarts entre le cadre légal et les pratiques du Département, nous souhaitons mettre la lumière ici sur quelques-unes de ces entorses que Madame BOUQUIN entend passer sous silence.

Aide à la reconstitution de l’Etat civil des personnes évaluées :

Le Guide des bonnes pratiques en matière d’évaluation de la minorité et de l’isolement auquel fait mention la majorité rappelle la primauté des documents d’État Civil dans le processus d’évaluation de la minorité ; ce n’est qu’en l’absence de ces documents que l’évaluation pourra s’appuyer sur des indices aussi fragiles que la cohérence et la plausibilité du discours du jeune évalué.[2]

Le Guide des bonnes pratiques rappelle aussi les garanties apportées par l’article 47 du Code civil qui impose que, faute de preuves contraires, les documents d’État-Civil produits à l’étranger soient considérés comme authentiques. 

L’analyse des rapports d’évaluation obtenus par l’association Solmiré met en évidence de manière constante que la détention de documents d’État-Civil originaux par les personnes évaluées n’est pas considérée par le service d’évaluation comme un indice suffisant. Ces documents sont bien souvent écartés par le service d’évaluation sans autre forme de procédure et en violation de l’article 47 du Code civil précédemment évoqué.

« Nos collègues évaluatrices vont chercher à affiner l’État-Civil des individus qui se présentent à elles », affirme la Directrice Enfance Famille du Département du Doubs. Le Guide des bonnes pratiques cite en effet l’article 8 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant pour recommander aux Départements d’entreprendre des actions permettant la reconstitution de l’État-Civil des personnes évaluées.

Au terme d’un parcours d’exil chaotique, il est fréquent que les personnes ne disposent plus de leurs documents d’État-Civil. Des démarches peuvent toutefois être entreprises dans le pays de naissance pour obtenir une copie de ces documents d’État-Civil. Contrairement à ces recommandations, le Département s’est toujours refusé à soutenir les jeunes dans cette démarche. Plus difficilement compréhensible encore, le Département refuse de fournir une simple adresse postale aux jeunes en cours d’évaluation, les empêchant ainsi de se faire transmettre des documents d’identité en provenance de leurs pays d’origine.  

Le Département refuse d’aider les jeunes dans l’obtention de documents d’identité sur lesquels une évaluation plus objective pourrait être effectuée et écarte de manière illégale et infondée les documents présentées par les personnes évaluées. Ces pratiques ne sauraient être considérées comme conformes au Guide des bonnes pratiques.

Prise en compte des facteurs expliquant des incohérences :

Le Guide des bonnes pratiques recommande de « porter une attention particulière aux possibles traumatismes vécus par la personne, tant lors de son parcours migratoire qu’en amont de celui-ci » estimant que « des comportements de retrait, de confusion, d’altération d’événements chronologiques peuvent être l’expression d’un stress post-traumatique que la situation fait ressurgir.»

A l’inverse de ces préconisations, nous observons que le service d’évaluation retient systématiquement les incohérences du discours comme des éléments à charge, sans faire de place à d’autres éléments pouvant expliquer ces incohérences (traumatismes mais également incompréhensions liées à la traduction, difficulté de numération, jeune âge…). Un.e jeune n’étant jamais allé à l’école se verra ainsi reprocher ne pas savoir indiquer avec précision les différentes durées des étapes successives de son voyage d’exil. Cette situation sera interprétée par le service d’évaluation comme un élément prouvant un comportement de dissimulation et justifiera un refus de reconnaissance de minorité.

Conditions de restitution du rapport d’évaluation :

Le Guide des bonnes pratiques indique qu’« il  est recommandé, par considération pour la personne évaluée, qu’une restitution du rapport rédigé par le service chargé de l’évaluation lui soit faite, dans le cadre d’un entretien, avec tact et respect, avant envoi aux autorités compétentes […] Pour permettre à la personne de faire valoir ses droits ou de contester la décision, il est recommandé que la notification du refus d’admission au bénéfice de la Protection de l’Enfance comporte la décision administrative formelle, motivée et accompagnée de la mention des voies de recours, ainsi que d’une copie du rapport d’évaluation »

Dans le Doubs, les rapports d’évaluation sont rédigés de manière postérieure aux décisions de fin de prise en charge. En cas de contestation de la minorité, la personne est généralement informée de cette décision le lendemain de l’évaluation et doit quitter le dispositif de mise à l’abri sans délai. Le rapport d’évaluation censé étayer cette décision sera quant à lui rédigé et validé formellement plusieurs jours plus tard. Ce rapport n’est donc pas remis à la personne concernée de la manière préconisée par le Guide des bonnes pratiques, ainsi que par le Défenseur des Droits. Cette pratique soulève de légitimes questions concernant le sérieux accordé à la procédure de validation des décisions de contestation de minorité. Elle lève également pour les jeunes concerné.e.s une barrière de plus entre eux et un accès effectif à la possibilité de contester en justice cette décision administrative.

A partir des chiffres, parler du réel

Pourquoi peu de jeunes contestent en justice la décision du Département ?

Monsieur le Directeur Général des Services remarque lors de l’Assemblée que peu de jeunes dont la minorité est contestée s’engagent dans une procédure de recours. Nous partageons ce constat et en proposons ici certains éléments d’explication.

Les jeunes dont la minorité est contestée se voient systématiquement refuser l’accès au dispositif d’hébergement d’urgence destiné aux personnes sans abri.

Voir son affaire jugée par le Tribunal pour Enfants nécessite une attente minimale de 4 mois. Cette attente peut rapidement s’étendre à une année selon la rapidité avec laquelle la personne concernée parviendra en amont du jugement à faire parvenir de son pays d’origine ses documents d’identité attestant de sa minorité. 

Pour un.e jeune de 12, 15 ou 17 ans mis.e à la rue à Besançon sans aucune assistance, il est tout à fait impossible d’attendre dehors patiemment que sa demande soit traitée par la juridiction compétente. Plongé.e.s dans une situation de profonde détresse, ces jeunes ne peuvent pas davantage mener sans soutien les démarches auprès du pays d’origine, ni organiser les déplacements au Consulat ou à l’Ambassade pour obtenir la légalisation des documents obtenus, ou toute autre démarche venant apporter une force probante supplémentaire aux documents d’identité.

Les seul.e.s jeunes qui s’engagent dans des démarches de recours judiciaire sont des jeunes qui sont accompagnés par des associations bénévoles. Et ces associations ont des ressources qui ne leur permettent pas d’apporter ce soutien à la hauteur des besoins.

Pour offrir un hébergement à ces jeunes, nous nous appuyons sur un réseau de familles d’accueil bénévoles et solidaires et sur des partenariats avec d’autres associations bénévoles accueillantes. Ces moyens étant insuffisants en nombre, nous avons également procédé en 2021 à la réquisition citoyenne d’un bien public vacant : la maison fluviale de Tarragnoz.

Lorsque nous disposons de solutions d’hébergement solidaire, nous répondons favorablement aux jeunes qui nous sollicitent et les accompagnons dans leurs démarches judiciaires. Lorsque ces jeunes ne trouvent pas de solutions d’hébergement, ils ne peuvent bien souvent pas mener les démarches judiciaires.

Demander la prise en charge institutionnelle dont la minorité est contestée est une exigence humanitaire. C’est aussi la condition du passage entre un accès théorique à un accès effectif à la Justice. L’hébergement et l’accompagnement sont ce qui donne l’occasion aux Droits de l’Enfant de devenir autre chose qu’une fable émouvante.  

Très récemment, la Préfecture a accepté, au terme de longues négociations, le maintien dans des logements prêtés par la Mairie de Besançon de 35 jeunes dont la minorité est contestée. Cette décision, obtenue dans un contexte de mobilisation intense, reste précaire, exceptionnelle et ne concerne pas l’ensemble des jeunes se trouvant sans abri aujourd’hui à Besançon suite à une décision de rejet de minorité par le Département.

Plus récemment encore la préfecture du Doubs a annoncé la création prochaine d’une structure d’accueil d’une capacité de 25 places destinées aux personnes dont la minorité est contestée. Le dimensionnement de cette structure semble bien en deçà des besoins. En effet suite à une décision de contestation de minorité émise par le Département à Besançon plus de 25 jeunes trouvent actuellement abri sous des ponts, dans des halls d’immeuble, sous des toiles de tentes… et essuient des refus répétés à leurs demande d’hébergement d’urgence.

L’engagement de l’État comme de la mairie de Besançon concernant ce public est récent. Malgré leur inadéquation avec l’étendue des besoins il s’agit néanmoins d’inflexions politiques qui œuvrent dans un sens favorable aux Droits de l’Enfant et permettront un meilleur accès de ces jeunes à la Justice. 

Bien qu’utiles et nécessaires ces initiatives ne suffiront pas à réparer l’étendue des violences résultants des décisions de contestation de minorité prisent par le Département du Doubs. Soutenir ce qui répare n’empêche pas d’appeler à faire cesser l’origine du dégât.

Le Département se tromperait  9 fois sur 10 ?

            Madame BOUQUIN affirme ne pas savoir d’où viennent les chiffres avancés par l’opposition départementale selon lesquels le Département se tromperait 9 fois sur 10 lorsqu’il conteste la minorité d’une personne.

Ces chiffres ont été communiqués publiquement par l’association Solmiré et transmis par mail à Madame BOUQUIN avant la tenue de l’Assemblée.

Nous avons mené une étude statistique portant sur les années 2021, 2022 et l’année 2023 en cours.

Actuellement, Solmiré héberge et accompagne 12 jeunes qui sont soit en attente de documents d’identité, soit en attente de décision de la Juge des Enfants, soit en attente de décision de la Cour d’appel. Nous avons écarté cette cohorte des statistiques en nous concentrant sur les jeunes qui ont eu une réponse définitive à leurs démarches, ou bien qui ont fait le choix de quitter Besançon  et pour qui cette démarche n’a pas actuellement permis une reconnaissance de leur minorité. Ces derniers jeunes sont comptabilisés au titre des «échecs» des procédures, bien qu’ils aient pu dans d’autres villes faire reconnaître leur minorité sans que nous en ayons été informés.

Mis à part les 12 jeunes dont les démarches restent en cours, de janvier 2021 à ce jour, Solmiré a hébergé et accompagné 38 jeunes parmi lesquels :

– 30 d’entre elles-eux ont été reconnus mineurs par le Tribunal pour Enfants de Besançon en 1ère instance.

– 2 jeunes ont été reconnus mineurs par la Cour d’appel du Tribunal pour Enfants de Besançon.

– 1 jeune a obtenu une décision négative par le Tribunal pour Enfants, mais a ensuite obtenu la reconnaissance de sa minorité par un autre Département

– 1 jeune a été hébergé et accompagné par l’association Solmiré jusqu’à ce que l’on s’aperçoive qu’il avait été mis à la rue par le service d’évaluation malgré un rapport d’évaluation le reconnaissant mineur (pour ce jeune, aucune démarche judiciaire n’a été nécessaire. La promesse d’une médiatisation massive de cette erreur aberrante avait alors suffi pour obtenir sa réintégration au sein des dispositifs de Protection de l’Enfance.)

– 3 jeunes ont quitté la ville de Besançon suite à une décision négative du Tribunal pour Enfants. Ces démarches n’ont pas abouti à ce jour.

– 1 jeune a choisi de quitter Besançon avant même de s’adresser au Juge des Enfants.

De cette étude statistique ressort que 34 jeunes hébergé.e.s sur 38 ont pu faire reconnaître leur minorité par une juridiction ou un autre Département. Concernant cette cohorte, une moyenne de 9 jeunes sur 10 a permit d’établir comme erronée l’évaluation menée par le Département du Doubs.

Une marge d’erreur que peu d’Administrations se permettraient de soutenir comme satisfaisante…

Rien à cacher

            Madame BOUQUIN rappelle concernant la problématique des mineurs non-accompagnés qu’elle « n’a rien à cacher » et qu’elle n’opère pas de rétention d’informations.

A l’opposé de ces paroles rassurantes, l’association Solmiré constate que les courriers qu’elle adresse à Madame la Présidente demeurent généralement sans réponse. Aux sollicitations citoyennes visant à obtenir des informations concernant les pratiques du service d’évaluation, aux alertes concernant les violations des Droits de l’Enfant opérées par le Département du Doubs, le Département répond généralement par un silence assourdissant. Le Département ne semble pas se presser davantage quant il s’agit de répondre aux sollicitations du Défenseur des droits instruisant différente saisines à son encontre.

Les directives manifestement illégales, telle la récente consigne conditionnant la mise à l’abri à l’enregistrement au fichier AEM, pourraient aisément faire l’objet de procédures judiciaires auprès du Tribunal Administratif pour en obtenir l’annulation. Le Département se garde bien de permettre l’accès à ces directives administratives. Ce souci de discrétion lui permet de limiter le contrôle judiciaire de son action. Une stratégie d’opacité peu compatible avec l’idéal démocratique revendiqué mais dont on doit reconnaître la redoutable efficacité pour ce qui est de la la sécurisation de pratiques illégales.

Appelant de nos vœux la transparence revendiquée par Madame BOUQUIN, nous lui  avons récemment adressé  un courrier  demandant des précisions concernant les sujets suivants nous semblant particulièrement préoccupants :

– Abus concernant l’utilisation du fichier AEM

– Nouvelle directive conditionnant  la mise à l’abri au recueil des empreintes biométriques

– Absence de transmission d’adresse postale aux jeunes désirant se faire envoyer leurs documents d’identité durant la phase de mise à l’abri.

– Demande de transmission des conventions en cours liant le département  à la Préfecture du Doubs  concernant les mineurs isolés.

Rien à cacher ? Le silence gardé par le Département suite ces sollicitations fait naître un certain doute concernant ces affirmations rassurantes.

« C’est une belle leçon de démocratie que nous montrons aujourd’hui »

            Lors de cette Assemblée Départementale, il a été mis en évidence qu’élu.e.s de la Majorité comme cadres hiérarchiques salarié.e.s ont énoncé de nombreuses contre-vérités concernant les pratiques du Département en matière d’évaluation de la minorité. Les mots ont été vidés de leur substance dans une novlangue orwellienne. Les propos des associations de terrain apportant un regard factuel, mais discordant, sont invalidés et décrédibilisés. L’opacité concernant les pratiques et les directives dont elles sont issues permettra sans doute longtemps encore aux illégalités de perdurer, malgré le fait qu’elles soient massives, connues et documentées. 

Dans l’ouvrage « l’art d’avoir toujours raison », le philosophe Schopenhauer conseille à son lecteur de conclure un débat d’idée par l’affirmation forte selon laquelle l’issue de la discussion confirme sa propre thèse. Quelle qu’ait été la teneur des débats,  la conviction mise dans cette affirmation conclusive, suffit souvent, selon le philosophe, à « avoir raison » sur l’autre.

En conclusion de cette assemblée départementale, Madame BOUQUIN a affirmé avec entrain : « C’est une belle leçon de démocratie que nous montrons aujourd’hui ».

L’association Solmiré, le 20 novembre 2023, Journée internationale des Droits de l’enfant.


[1]Décision du Conseil d’État du 5 février 2020 N°428478 ; Délibération de la CNIL N°2018-351 ; Décision du conseil constitutionnel N° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019.

[2]« En l’absence de documents officiels attestant de l’identité et donc de l’âge de la personne évaluée, l’avis sur la minorité et l’isolement formulé par le service chargé de l’évaluation repose sur la concordance et la plausibilité des informations recueillies lors du ou des entretiens » Guide des bonnes pratiques en matière d’évaluation de la minorité et de l’isolement

Journée internationale des droits de l’enfant

Lundi 20 novembre sera célébrée partout dans le monde la Journée Internationale des Droits de l’Enfant. Pour Solmiré, c’est une nouvelle occasion de dénoncer les dysfonctionnements du Département du Doubs en matière de Protection des Mineurs Etrangers Isolés, ainsi que les contre-vérités proférées lors du dernier Conseil Départemental.

Que ce soit par le déni du nombre de mineurs actuellement à la rue (du fait de leur non-reconnaissance comme mineurs par le Département), ou par les conditions imposées aux mineurs avant d’accepter de les mettre à l’abri, ou encore par les « critères » d’évaluation de la minorité utilisés par les services départementaux, les pratiques en vigueur demeurent fort contestables d’un point de vue légal et ne correspondent pas aux préconisations du Ministère des Solidarités, établies dans son « Guide des Bonnes Pratiques ».

Tous ces éléments seront développés lors de la conférence de presse que l’association Solmiré, qui agit depuis des années pour défendre les droits des mineurs isolés dans le Doubs, organise lundi 20 novembre 2023 à 10h30.

Communiqué de presse – Besançon le 1er novembre 2023

Mineurs isolés non-pris en charge : une première mise à l’abri bienvenue !

Depuis le 4 octobre, une quarantaine de mineurs isolés rejetés à la rue par le Département du Doubs ont été mis à l’abri par la Ville de Besançon dans le bâtiment d’un bailleur social, avec l’aval de la Préfecture. Ainsi, après des mois d’errance sans aucune protection institutionnelle, ces jeunes, âgés de 13 à 16 ans, ont enfin pu accéder à un début de vie digne et à la sécurité dont ils ont besoin pour continuer leurs démarches de reconnaissance de minorité. C’est une première étape que les associations qui leur viennent en aide tiennent à saluer, car il était temps !
En effet, depuis plusieurs années, malgré les demandes répétées et les alertes, nous avions affaire à une fin de non-recevoir de toutes parts : Département, Etat, Ville… toutes les autorités se renvoyaient la balle, au motif que les mineurs non-reconnus comme tels par le Département (et qui, de ce fait, se retrouvaient à la rue sans aucune autre assistance que celle des citoyen.nes) ne relevaient pas de la compétence des uns ou des autres. Résultat : une vie d’errance et d’abandon, avec tous les risques sociaux et psychologiques encourus par cette population fragilisée!

Aujourd’hui, à Besançon, une situation nouvelle est donc en cours d’expérimentation ; elle est encore fragile, car il y manque des moyens humains d’accompagnement, mais elle est encourageante.
Avec le concours de toutes les parties prenantes, elle sera concluante et elle pourra encore être étendue à d’autres mineurs isolés, car ils sont nombreux à être actuellement à la rue et à ne bénéficier d’aucune
protection.
Qui sait ? Peut-être les gestionnaires de l’Aide Sociale à l’Enfance, qui relève du Département du Doubs, aidés par les services de l’Etat, parce que c’est aussi leur mission de protéger les populations vulnérables, entendront-ils l’écho de cette expérience bisontine et se laisseront-ils convaincre que notre société a tout à gagner à prendre en charge les jeunes qui vivent au milieu d’elle et ne demandent qu’à pouvoir y faire leur place.

Réflexions sur l’évaluation de la minorité des jeunes étrangers, librement inspirées par le discours de Monsieur Fagaut à l’assemblée départementale du Doubs du lundi 25 septembre 2023.

Le Doubs, à l’instar d’autres départements français, s’organise pour limiter les dépenses budgétaires inhérentes à la mission de Protection de l’Enfance. Une stratégie efficace pour remplir cet objectif consiste à limiter drastiquement l’accueil des mineur.e.s isolé.e.s étranger.e.s. Si la situation de danger dans laquelle sont placés ces enfants est rarement mise en cause, il suffit au Département de contester leur minorité pour s’affranchir de ses obligations concernant ce public. Lors de l’assemblée départementale du Doubs du 25 septembre 2023, les élu.e.s de l’opposition s’interrogeaient sur certaines pratiques du service d’évaluation de la minorité. A cette interpellation, Monsieur Fagaut, élu « Les Républicains », a apporté une réponse qu’il nous semble judicieux de reproduire ici dans son intégralité, tant elle représente de manière synthétique les différents éléments de langage répétés par la communication départementale.

« Vous avez dit textuellement « pas reconnus mineurs par le Département ? Cela veut-il dire que nos agents font mal leur travail ? J’aimerais bien vous entendre par rapport à ça ? Sur les 612 jeunes arrivés sur les 6 premiers mois de l’année 2023, 428 aujourd’hui (70%) sont majeurs. Est-ce que les agents de notre département font mal leur travail ? Moi, je vous pose simplement la question par rapport à cela. Derrière les mineurs, rien que les mineurs. Pour pouvoir déterminer s’ils sont mineurs ou majeurs, c’est bien entendu nos agents qui, par les procédés qui sont les leurs, déterminent s’ils sont mineurs ou majeurs. Majeurs : responsabilité de l’État, mineurs : responsabilité du Département et aujourd’hui je crois que, Madame la Présidente, nous n’avons pas à rougir des actions que nous menons en ce sens. »

En contrepoint de ce discours et de sa rhétorique, nous souhaitons apporter à Monsieur Fagaut, à ses collègues et à quiconque s’y intéresse, quelques réflexions nourries par notre engagement solidaire auprès des jeunes dont le Département conteste la minorité.

Sur la construction de la réalité et le caractère performatif de l’évaluation :

Les sciences sociales décrivent comme « paroles performatives » ces énoncés qui, par le verbe, créent la réalité qu’elles sont censées décrire. Les rapports d’évaluation rédigés par le service d’évaluation du Département sont des exemples-types de ce phénomène. Qu’importe la situation de la personne décrite dans le rapport, qu’importe la qualité des preuves qu’elle apporte en appui à ses déclarations (document d’identité original, passeport, apparence physique indiscutable…), avec la puissance d’une formule magique, deux lignes rédigées en police Arial, taille 12 et caractères gras, suffisent pour transformer quiconque en « non mineur » aux yeux de l’Administration :

« Les éléments recueillis au terme du processus d’évaluation ne forment pas un ensemble cohérent permettant d’aller dans le sens de la minorité et de l’isolement de Monsieur Mohamed C.« 

Sitôt formulé, sitôt exaucé, l’énoncé, à peine imprimé, transforme Mohamed C. en « non mineur ». Cette opération achevée, il devient possible, tout en maintenant une apparente légalité, de remettre Mohamed C. à la rue dès le soir-même de la formulation de cette parole performative.

Malgré sa puissance, cette opération ne parvient pas à transformer Mohamed C ou ses camarades en majeur.e.s, tout juste à le convertir en « non mineur.e » aux yeux du Département, et Monsieur Fagaut se trompe donc lorsqu’il se croit autorisé à dire que « 70 % des jeunes évalués par le Département sont majeurs ». Ainsi Mohamed C. ne se voit pas délivrer à l’issue de son évaluation un nouvel Etat-Civil, ni une nouvelle date ni un nouveau lieu de naissance, il conserve son acte de naissance original délivré par les autorités de son pays d’origine et malgré sa vie à la rue, il pourra fréquenter un établissement scolaire avec les élèves de l’âge qu’il déclare ou qui est attesté par ses documents d’identité. La puissance de la parole performative prononcée par le Département est donc de portée limitée. Elle suffit amplement toutefois pour transformer ces jeunes en personne sans-abri pour qui le Département n’aura plus à payer un seul centime.

A titre d’exemple, de comparables conclusions de rapport d’évaluation ont permis au Département de l’Ariège (frontalier de l’Espagne) de ne reconnaître mineur.e en 2022 que 8 jeunes, alors que le Département voisin de la Haute-Garonne, la même année, a reconnu la minorité de 675 jeunes. Ces différences massives et improbables soulignent que l’enjeu de l’évaluation pour les Départements n’est pas de déterminer objectivement la minorité des personnes concernées, mais bien de garantir l’existence d’une procédure légitimant la production d’un nombre de mineurs et de majeurs correspondant à une consigne politique donnée.

Sur l’impossible critique du travail des agents :

Monsieur Fagaut n’admet pas que les pratiques du service d’évaluation puissent être questionnées.  Associer tout discours critique de la « politique d’évaluation des MNA » à une mise en cause personnelle des agents lui permet de se placer en protecteur de ces dernier.e.s, plutôt qu’en responsable des contradictions dont ils et elles font les frais.  Escamotant la dimension politique, il tente de déplacer le débat dans la sphère exclusive de la morale. Est-il moral de critiquer le travail de personnes qui se donnent du mal à réaliser une mission difficile ? Cet appel à l’éthique du Bien et du Mal tente de faire oublier que l’objectif même de ce travail (l’évaluation de la minorité) est sujet à débat, tout autant que ses effets (en quelques mois, plus de 50 jeunes se sont vus contraints de vivre à la rue à Besançon).

Turn over, personnel en souffrance, inadéquation entre valeurs éthiques et consignes hiérarchiques, la pénibilité du travail d’évaluatrice est bien connue et fait l’objet d’études, sociologiques notamment. Décrire les effets maltraitants des pratiques du service d’évaluation n’exige pas de faire des évaluateurs et évaluatrices des « bourreaux d’enfants ». Différents témoignages apportés par les jeunes nous laissent d’ailleurs entrevoir que ces violences administratives sont parfois exercées à corps défendant, sans zèle, mais sans parvenir toujours toutefois à en atténuer les effets de manière significative.

A l’échelle du dispositif de Protection de l’Enfance, nous constatons que la même institution protège et malmène, inclut et exclut, poursuit des logiques tout à fait antagonistes rendant impossible toute représentation manichéenne de la situation. Cette dynamique complexe est finalement très proche de celle qui traverse les familles maltraitantes. Elles aussi parfois, soignent et violentent tout à la fois. Confrontés à ces logiques, est-ce que les éducateurs et éducatrices critiquent l’éducation des parents maltraitants ? Pas forcément sur le versant de la morale, mais ils et elles s’attachent à comprendre les mécanismes et à en prévenir la réitération.

La mise à la rue massive des jeunes étranger.e.s et les violations des Droits de l’Enfant qui l’accompagnent est une violence qui ne peut s’expliquer de manière satisfaisante par une analyse centrée sur l’individu en l’occurrence la figure de l’agent.  Elle s’explique par un contexte politique local, national et international. Dire que l’économie capitaliste et les inégalités qu’elle favorise produisent nécessairement une migration contrainte explique en partie la situation à laquelle sont confrontés les agents du Département. Tout en défendant qu’aucun dispositif d’évaluation de la minorité ne pourra jamais être parfaitement satisfaisant, nous persistons à décrire pourquoi dans le Doubs cette évaluation est particulièrement mal faite, en ce sens qu’elle produit massivement des erreurs.

Ces dernières années, nous avons accueilli et accompagné des dizaines de jeunes dans leurs démarches judiciaires visant à contester la décision du service d’évaluation. Plus de 90 % de ces jeunes sont parvenu.e.s, au terme du processus judiciaire, à faire reconnaître leur minorité. Cette estimation statistique est un peu lapidaire, mais permet de mesurer à quel point les évaluations par les services du Département du Doubs sont sources d’erreurs. Peu d’administrations peuvent se targuer d’un taux d’erreur d’appréciation de cet ordre de grandeur.

Les agents peuvent-ils bien faire leur travail ?

Nous l’avons dit, faire le tri entre mineur.e.s et majeur.e.s nous semble un objectif à la fois impossible et non désirable. Les profonds changements politiques et sociaux qui permettraient, dans un temps long et dans un cadre international, d’apporter des pistes permettant de dépasser la crise de l’accueil (ou celle des migrations, selon la terminologie que l’on choisit) dépassent l’objet de ce court texte. Sans perdre de vue cet horizon, et en se situant dans l’état politique présent, l’accès à la Protection de l’Enfance nécessite actuellement de déterminer qui est reconnu mineur et qui ne l’est pas.

Sachant l’exercice périlleux, la législation a établit qu’il était préférable que des majeur.e.s soient à tort accueilli.e.s dans les structures de la Protection de l’Enfance, plutôt que prendre le risque de laisser en errance des mineur.e.s à la rue. Ce souhait se traduit par l’injonction à ce que « le doute profite à l’intéressé », que l’on retrouve notamment dans la circulaire du 25 janvier 2016. Ce principe enjoint les Départements à reconnaître mineures les personnes, dès lors qu’un seul indice permettrait de douter que la personne soit majeure. Ces derniers mois, le Département du Doubs a mis à la rue des dizaines de jeunes possédant des documents d’identité originaux, sans même procéder à l’expertise de ces documents ; à lui seul, ce constat démontre que cette prescription légale essentielle n’est pas respectée. Plus récemment, le Doubs a conditionné l’évaluation à l’enregistrement biométrique au fichier AEM (effectué sur rendez-vous, en Préfecture). Il a également cessé d’apporter une solution de mise à l’abri avant cet enregistrement. Ces différentes pratiques sont à la fois illégales et violentes, et elles ne sont pas constitutives de ce que l’on pourrait qualifier de « travail bien fait ». Monsieur Fagaut et ses collègues élu.es sont pourtant en capacité de donner des directives permettant aux agents départementaux de réaliser leur travail dans le respect du cadre légal, en faisant bénéficier aux jeunes évalué.e.s les droits qui leur sont garantis, mais qui, aujourd’hui dans le Doubs, restent tout à fait théoriques et inaccessibles.

A propos des « procédés qui sont les leurs » :

Cette formulation de Monsieur Fagaut est tout en ellipse et pudeur. Elle sous-entend une certaine technicité, sans s’étendre sur les procédés ainsi désignés. Sur ceux-ci, il nous semble essentiel de lever le voile.

Tout d’abord, ces procédés sont ceux que l’exécutif du Département a prescrits, en cela il apparaîtrait plus juste que Monsieur Fagaut les désigne comme également siens.

Le cadre légal requiert que l’évaluation s’appuie sur un « faisceau d’indices ». Les conclusions d’évaluation nomment donc presque toujours deux indices pour justifier leur décision de refus :

– l’apparence physique des personnes évaluées.

– L’existence d’incohérences dans le discours.

Concernant l’apparence physique, la jurisprudence confirme qu’il s’agit d’un critère peu fiable, éminemment subjectif et ne pouvant en aucun cas prévaloir sur d’autres indices (notamment la production de documents d’état civils).

Concernant l’existence d’incohérences, le raisonnement emprunté par le service d’évaluation suit le déroulement suivant :

Incohérences dans le discours  = mensonge ou tentative de dissimulation = preuve de non minorité

Chacun des liens de causalité de cette chaîne de raisonnement logique est pour le moins fragile. Bien d’autres facteurs permettent d’expliquer l’existence d’incohérence (traumatismes liés aux épreuves du voyage, incompréhension des étapes de l’exil lorsque celui-ci a été pris en charge par un passeur ou un proche, secrets de famille, incompréhension liées à la langue ou sa traduction,… )

Quant aux mensonges, en faire l’apanage exclusif des adultes  questionne. S’appuyant sur un raisonnement similaire le département du Doubs pourrait faire de plus larges économies budgétaires s’il contestait la minorité de tous les adolescent.e.s accueilli.e.s dans les structures de la protection de l’enfance qui de temps à autre font  preuve de mensonge et de dissimulation.

La recherche d’incohérence constituant le principal (et presque exclusif) ressort de l’évaluation, de nombreuses techniques permettent de créer puis de consigner de tels hiatus :

Une de ces techniques consiste à poser une question de ce type:

    -En quelle année ton père est-il décédé?

    – 2010

    Puis plus tard dans l’entretien

    -Quel âge avais-tu lorsque ton père est décédé?

    -5 ans

Le ou la professionnel.le en charge de l’évaluation en déduit que la personne évaluée a donc 18 ans en 2023 et non 17 comme l’indique l’intéressé.

Les jeunes qui subissent ces procédés, font état d’une profonde incompréhension. Souhaitant bien faire, ils et elles ont tenté de répondre à chaque réponse du mieux qu’ils ou elles ont pu, avec approximation lorsque les dates ou durées exactes n’étaient pas connues avec précision.

Les jeunes qui indiquent ne pas être en mesure de donner des réponses exactes à ce type de question sont également évalué.e.s comme non mineur.e.s, cette réponse étant fréquemment considérée comme la preuve d’une stratégie de dissimulation.

Lorsqu’elles ne sont pas débusquées dans le récit de la personne évaluée, les incohérences sont régulièrement créées de toute pièce par les évaluateurs et évaluatrices. Récemment, M. a présenté des documents d’état civils originaux qui ont été écartés par les évaluateurs lors de son évaluation. Cette absence de prise en compte des documents d’identité a été justifiée par l’existence supposée d’incohérence concernant la nationalité de la mère de M. L’acte de naissance présenté faisait état d’une mère de nationalité ivoirienne tandis que l’évaluateur affirmait que la mère de M. était malienne. En effet, le rapport d’évaluation de mentionne que la mère de la demie sœur de M. est malienne. Ça n’en fait pas sa mère pour autant mais cette confusion grossière suffit à construire une prétendue incohérence sur laquelle la décision de fin de prise en charge sera prononcée.

La recherche méthodique des incohérences d’un discours porte ses fruits en cela qu’elle est nécessairement couronnée de succès. Il est dommage de constater qu’elle est de peu d’utilité dans la recherche de la « vérité » et ne sert qu’à produire un discours légitimant une conclusion pré existant l’évaluation ou bien née d’une simple et vague « intuition ».

Détailler les différents procédés et mécanismes utilisées lors des évaluations permet de sortir du fantasme de scientificité  qui les entoure afin de les percevoir tels qu’ils sont : comme des artifices.

Est-ce que madame Bouquin et monsieur Fagaut ont à rougir de leurs actions ?

Les pratiques du Département du Doubs sont manifestement illégales ; elles ne sont pas issues de déviances individuelles, mais résultent des directives politiques fixées par les élu.e.s en responsabilité du Département et, par voie de conséquence, du budget qu’ils/elles attribuent à la Protection des MNA. Ces élu.e.s, régulièrement interpellé.e.s, semblent peu intéressé.e.s par ces questions. Cette politique construit de manière quelque peu artificielle, mais non moins efficace, de nombreux « non mineur.e.s ». La violence administrative qui découle de ces choix politiques brise des vies, marque des corps, et parallèlement à cela, accentue l’éloignement des institutions politiques du principe (théorique) de l’état de droit. La couleur des joues des élu.e.s nous préoccupe moins que la portée de leurs décisions, aussi nous laisserons aux intéressé.e.s la réponse à cette dernière question.

L’association Solmiré (Solidarité Migrant.e.s Réfugié.e.s)

CAMPEMENT des jeunes à la rue, expulsion le 04/10/23

MISE A JOUR : SUITE EXPULSION

Suite à l’expulsion du campement ce matin organisé par la Ville de Besançon, des militant·e·s de Solmiré et les jeunes concernés ont occupé le hall d’accueil de la Mairie afin d’obtenir des réponses de la part de la Municipalité.

Les tentes et effets personnels des jeunes ont été rapporté par des agents de la Mairie dans l’après-midi.

En fin de journée, les jeunes et les militant·e·s de l’association ont rencontré la Maire, des membres de son cabinet et des adjoint·e·s. Une solution d’hébergement temporaire de quelques jours a été proposée aux jeunes dès ce soir.

Nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse de la part de la Préfecture et du Département concernant la situation de ces mineur·e·s non accompagné·e·s en recours.

Nous continuons de dénoncer les pratiques illégales du Département qui mettent en danger la vie de ces jeunes.

Nous attendons toujours de la Préfecture et du Département qu’ils prennent leurs responsabilités et qu’ils leur proposent des solutions d’hébergement.

Nous vous tiendrons informé·e·s de la suite.

EXPULSION – Restez connecté·e·s nous auront probablement besoin de soutien !

Ce mercredi 4 octobre à 11h, alors que les jeunes étaient partis pour prendre leur unique repas de la journée assuré par la Boutique Jeanne Antide, le campement a été évacué par la Police Municipale qui a saisi les tentes et les affaires personnels des jeunes.

Nous sommes dans l’attente d’une réponse de la Mairie. Nous sommes révolté·e·s par cet acte inhumain.

Veuillez trouver ci-dessous notre communiqué de presse avec toutes les infos.

Expulsion d’un campement de jeunes mineurs étrangers par la Police Municipale

Depuis samedi 30 septembre, un campement d’une quinzaine de tentes s’était formé au parking situé rue d’Arènes, à Besançon. Y dormaient des adolescents étrangers abandonnés par les institutions, en recours juridique pour la reconnaissance de leur minorité. Considérés ni mineurs par le Département, ni majeurs par l’État, 50 jeunes errent actuellement dans les rues de Besançon, sans hébergement, en attendant qu’un juge statue sur leur sort.

Ce mercredi 4 octobre à 11h, alors que les jeunes étaient partis pour prendre leur unique repas de la journée assuré par la Boutique Jeanne Antide, le campement a été évacué par la Police Municipale qui a saisi les tentes et les affaires personnels des jeunes.

Cela faisait deux jours que des agents de Police effectuaient des passages réguliers au campement, exerçant une pression sur ses occupants faite de menaces, de moqueries et de propos humiliant.

Ce campement qui était une réponse biensûr insatisfaisante à la détresse de ces jeunes, leur a permis de dormir à l’abri après des mois d’errance, jour et nuit, dans les rues de la ville.

L’association Solmiré dénonce cet acte d’une violence extrême, seule réponse des institutions. Plutôt que de tenter d’apporter des réponses à cette situation insupportable, les autorités préfèrent l’invisibiliser en faisant disparaître ces jeunes. L’expulsion du campement est survenue le matin même de la publication d’un article de l’Est Républicain rendant compte de la situation.

Le collectif est en attente d’une réponse de la Mairie concernant cette décision inhumaine. Pour l’instant, il n’a pas de réponse concernant la récupération possible des tentes et des effets personnels des jeunes.

Solmiré exige que les institutions apportent des réponses, qu’elles prennent leurs responsabilités et qu’elles prennent en charge ces jeunes pendant toute la période de leur recours juridique.

Comment les institutions fabriquent des jeunes à la rue ?

Etape n°1 : jeunes non reconnus mineurs par le Département

Le 6 septembre 2023, l’association Solmiré (Solidarité Migrants Réfugiés) ont mené une action au SEAMNA (Service d’Evaluation et d’Accompagnement des Mineurs Non Accompagnés) pour dénoncer les violations des droits de l’enfant exercées par ce service. Durant l’été, quasiment tous les jeunes évalués par le Département n’ont pas été reconnus mineurs et ont donc été mis à la rue.

Le SEAMNA conditionne la mise à l’abri et l’évaluation des jeunes à leur prise d’empreintes biométriques pour l’enregistrement au fichier AEM (fichier dématérialisé national). Cette pratique est illégale comme le confirme le Conseil d’Etat. Actuellement, des jeunes sont laissés à la rue plusieurs jours avant la prise d’empreintes. De plus, le service refuse d’évaluer les jeunes qui ont déjà mis leurs empreintes dans un autre département.

Le SEAMNA refuse régulièrement de prendre en compte les documents d’état civil des jeunes, sans même les envoyer à la Police aux Frontières pour vérification. Ces évaluations pratiquées dans le doubs ne respectent pas le principe juridique fondamental selon lequel « le doute profite à l’intéressé », que l’on retrouve notamment dans la circulaire du 25 janvier 2016.

Etape n°2 : jeunes non reconnus majeurs par l’Etat

Les jeunes non reconnus mineurs par le Département sont laissés à la rue sans accompagnement.

La Préfecture refuse de mettre à l’abri ces jeunes et de fait ne respecte pas le droit d’accéder à un hébergement pour toute personne, et ce de manière inconditionnelle. Ainsi, quand ces jeunes laissés aux abois contactent le 115 (numéro d’hébergement d’urgence), totalement paniqués à l’idée de s’imaginer dormir dehors : la réponse qui leur est formulée est qu’ils sont mineurs, donc refusés par ces dispositifs d’accueil. C’est encore un coup de massue qui s’abat sur eux, le parcours de survie ne s’arrête pas à la porte des institutions !

Alors, que deviennent ces jeunes ? Ni mineurs, ni majeurs, et pourtant ils et elles existent…

C’est le serpent qui se mort la queue, ni mineurs, ni majeurs, ces jeunes perdent tout statut aux yeux de l’Administration, et pire, ils perdent toute existence ! Totalement oubliés, ignorés et malmenés par les institutions. La violence administrative qui découle de ces choix politiques brise des vies, marque des corps, et parallèlement à cela, accentue l’éloignement des institutions politiques du principe (théorique) de l’état de droit.

Par ici, deux reportages de France 3 ( merci à eux d’avoir suivi depuis le matin la situation et pour leur rapidité)

https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/programmes/france-3_bourgogne-franche-comte_ici-19-20-franche-comte

https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/doubs/besancon/ils-sont-dans-l-abandon-le-plus-complet-ce-n-est-pas-digne-un-campement-de-27-jeunes-migrants-evacue-par-la-police-municipale-a-besancon-2850575.html

Pour aller plus loin :

https://www.francebleu.fr/besancon/derniers-podcasts (chercher dans la page pour trouver le bon podcasts « souleyman, 16 ans… »)

https://www.macommune.info/un-campement-de-mineurs-expulse-par-la-police-municipale-a-besancon-selon-lassociation-solmire/

Vendredi 6 octobre au Pixel organisé par RECIDEV : soirée thématique climat et migration + concert de Likassa au profit de SOLMIRE

Récidev vous invite pour une belle soirée thématique sur le lien entre climat et migration.

Quelles sont les conséquences des dérèglements climatiques sur les flux migratoires ? Quels sont les enjeux de ces nouveaux déplacements de population ? Pourquoi le statut de « réfugié·e climatique » n’existe pas (encore) ?

Telles sont les questions auxquelles nos intervenant·es tenteront de répondre lors de cette soirée rencontre-débat. Nous aurons ainsi le plaisir d’accueillir :

– Camila Ríos Armas, fondatrice et directrice de l’association UniR Universités & Réfugié·e·s, qui a pour objectif de lutter contre le déclassement professionnel des réfugié·es et de promouvoir l’accès à une éducation supérieure pour tous·tes. Camila est également à la tête du Pole Amériques de l’Observatoire des Camps de Réfugiés à Paris.

– Ibahim Mbamoko, cofondateur de l’ONG Carré Géo & Environnement, travaillant sur les questions de climat et d’environnement, porteur depuis 2015 d’un plaidoyer pour l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant en faveur des déplacé·es environnementaux et climatiques dans le cadre des négociations de l’ONU sur le climat.

Rendez-vous donc le vendredi 6 octobre 2023, à 19h, au bar associatif le Pixel de Besançon.

La rencontre sera suivie d’un concert du groupe LIKASSA.
Ce groupe bisontin vous propose un style Orient Roots Rock Reggae, avec des chansons mêlant arabe et français pour traiter de thèmes sociétaux comme l’esclavage, l’espoir de vivre dans un monde qui accepte les différences ou encore le constat des conséquences de la déforestation.

La soirée est sur entrée libre. Un chapeau sera proposé au profit du collectif Solmiré, de Besançon. Merci beaucoup à RECIDEV et au groupe de musique !